Dans Heisei tanuki gassen Pompoko, l'imagination généreuse et l'esprit de référence de Takahata sont mis au service d'un spectaculaire tour d'horizon du patrimoine culturel dit "populaire" de son pays. Nous citons ici quelques références parmi les plus connues.
Les tanuki Mythes et folklores autour du tanuki[URL=http://img206.imageshack.us/my.php?image=pompokoreference02bq8.jpg]
Au Japon, on croit que les tanuki mettent une feuille sur leur tête et chantent pour se transformer mais dans Pompoko, la vieille Oroku dément : "C'est réservé aux débutants!". Si vous avez joué à "Super Mario Brothers", quand Mario attrape une feuille, lui poussent des oreilles pointues et la queue d'un tanuki. Cela provient de l'association que l'on fait entre les feuilles et les tanuki.
Les références folkloriques présentées dans Pompoko sont parfois assez bien connues. L'une d'elles est le Bunbuku Chagama, une histoire dans laquelle un tanuki se change en bouilloire (et bien sûr, il a été mis au feu). Chagama (bouilloire) est l'ustensile rond et sombre dans lequel les tanuki essaient de se transformer quand ils s'entraînent.
Une autre référence est Kachi Kachi Yama, qui est plutôt cruel. Dans cette histoire, un tanuki tua une vieille femme et le mari de cette dernière se vengea de cette mort, avec l'aide d'un lapin. Ce qui conduisit le tanuki à sa perte est la fabrication et l'embarcation sur un bateau fait de boue. Le bateau coula, bien sûr et le tanuki se noya. Dans Pompoko, le chant des tanuki de Shikoku "Notre vaisseau n'est pas fait de boue" vient de là.
Enfin, certains tanuki puissants sont très connus au point d'être parfois comparés à des dieux. Les vieux tanuki de Shikoku sont ces tanuki historiquement célèbres.
Au Japon, on croit que les renards, aussi bien que les vieux chats, ont des pouvoirs magiques comme les tanuki.
Dans le mandala utilisé pour instruire les jeunes tanuki, on peut voir un tanuki, un kitsune (renard) et un neko (chat). Les Kitsune sont aussi considérés comme les messagers du dieu Inari dans les croyances shinto. Dans le film, un tanuki se transforme en renard blanc et marque les esprits des gens qui sont venus bouger un temple shinto pour développer la zone.
On trouve pêle-mêle dans le mandala de la métamorphose imaginé par Takahata : tanuki, kitsune et neko, bien sûr, mais aussi caméléons, papillons et poissons variés, tous plus ou moins métamorphes. Les caractères yin et yang de la périphérie introduisent les deux caractères de la transformation, qui mènent au caractère central, « gen » (illusion).
Le tanuki dans l'animationLe tanuki n'est pas nouveau dans le monde de l'animation : il suffit de penser au petit percussionniste de Goshu le violoncelliste (1982), une autre œuvre de Takahata, au couple de tanuki dans une scène de Maison Ikkoku (1986), ou encore la statue interviewée dans les premières minutes de Lamù - Beautiful dreamer (1985). Mais la présence de cet animal dans l'animation japonaise remonte à bien plus loin. Il faut dire que le tanuki est l'animal rêvé de l'animateur : transformable à volonté, il autorise tous les délires. De plus, mignon, maladroit et farceur, il est le personnage idéal d'histoires amusantes et riches en péripéties.
Les courts métrages La bouilloire magique (1928) de Yasushi Murata, Le renard contre les ratons (1933) de Ikuo Oishi, Les bonzes mélomanes (1934) de Kenzo Masaoka ou encore La chasse aux monstres (1935) de Yoshitarô Kataoka comptent parmi les premières œuvres mettant en scène des tanuki. Dès La bouilloire magique (Bunbuku Chagama), réalisé en papier découpé avec une grande économie de moyens, le tanuki voit ses transformations exploitées à des fins humoristiques. Transformable en bouilloire, le raton va causer les pires catastrophes et terrifier les humains. Avec l'introduction du cellulo au Japon, les transformations du tanuki se font multiples et plus réalistes. Kenzo Masaoka, qui fut précisément le premier à expérimenter cette technique, comprit parfaitement le potentiel du tanuki en terme d'animation.
Exemples de premières représentations animés du tanukiQuand Takahata réalise Pompoko, c'est consciemment qu'il s'inscrit dans la tradition. Le réalisateur, qui a une connaissance remarquable des premières heures de l'animation japonaise, rend ainsi hommage à tous ces vieux courts métrages. Outre la reprise des différents modes de représentation des tanuki, aperçus dans Le renard contre les ratons (l'un très stylisé et tout à fait « cartoonesque », l'autre semi-réaliste et plus fouillé auxquels Takahata ajoute un troisième mode, totalement réaliste celui-là), le film reprend la description sympathique des tanuki qu'en fait notamment Masaoka dans Les bonzes mélomanes – oisifs, gloutons et chapardeurs mais d'une gentillesse et d'une solidarité indécrottables – ainsi que la problématique de l'affrontement contre les humains. Enfin, le film regorge de clins d'œil à ses précurseurs. Un exemple : quand les tanuki, qui ont perdu leurs dons par paresse, doivent réapprendre à se transformer, leur premier exercice consiste à se transformer en… bouilloire!
Autres référencesHistoires de fantômesLes personnages sans visage qui terrorisent le policier dans le film sont appelés "Nopperabou". Ils sont issus d'une vieille histoire de fantômes japonais bien connue. Ils sont à peu près identiques à ceux de l'histoire originale à l'exception bien sûr de l'époque du récit. Au lieu de se rendre au poste de police, l'homme terrifié de l'histoire originale se rend à un Soba (stand de nouilles japonaises), et le vendeur lui dit "Donc, elle ressemblait à ça?"…
Un autre thème emprunté aux vielles histoires de fantômes japonaises est l’"Oitekebori". Ce terme signifie aussi bien "Laisse-le dans le canal" que "laissé derrière". L'histoire est celle d'un homme qui attrape un poisson dans un canal. Soudain une voix venant du canal lui ordonne "Oiteke (Laisse-le!)", et l'homme s'enfuit en courant aussi vite qu'il peut. Dans Pompoko, les tanuki ont d'abord donné des sueurs froides à un couple dans une voiture avec appel "Yotteke (Entrez!)" et des signes clignotant "Love hotel". Dans une autre scène, quand des gamins jettent des déchets dans un buisson, les tanuki le leur renvoient, avec l'appel "Motteke (Prend-le!). Ensuite, pour l'homme qui s'apprête à couper un arbre, "Hottoke (Laisse-le tranquille!). Enfin, des tanuki observent une famille pique-niquer. Le père dit "Ramenons nos ordures à la maison", et commence à ranger les restes du repas. Les tanuki crient alors spontanément « Oiteke » (Laissez-le!)
Jidai-jekiLes références au registre cardinal du jidai-jeki, ce "drame historique", sont nombreuses, notamment au début du film avec la scène de bataille entre les samurais-tanuki! Un des conseils entre les chefs rappele également une scène du film de Kurosawa Ran.
Scène de bataille traité sur le ton de la comédie. "Lorsque les tanuki débattirent pour désigner un représentant, aucun ne voulait
s'engager pour un voyage dangeureux, alors ils firent tous semblant de dormir."
Une scène rappellant celle au début du film "Ran".
Yokaï
Le "défilé spectral" mériterait à lui seul une étude, ne serait-ce que pour recenser les créatures qui le peuplent, mais l'exercice suppose une connaissance circonstanciée du folklore japonais.
Echantillon des nombreux monstres traditionnels ou créatures de science-fiction du défilé.Les monstres de l'opération "ectoplasme" sont pour la plupart basés sur des monstres japonais traditionnels appelés "Yokaï". Les Yokaï sont issus de contes populaires, du Kabuki, du Ukiyoe (estampes), et des mangas de Shigeru Mizuki. La plupart des monstres ont chacun un nom et une histoire. Certains d'entre eux proviennent de pièces d'art très célèbres comme Fuujin (Dieu du vent) et Raijin (Dieu de l'éclair). Il y a aussi quelques hommages au plus vieux manga Choju Giga et au recueil de Kenji Miyazawa Train de nuit sur la voie lactée.
L'Umi Bozu, un énorme yokai marin naufrageur, créé par Shigeru Mizuki
(illustration originale et référence dans Pompoko) Le fameux Tsurubeotoshi de Shigeru Mizuki
(illustration originale et référence dans Pompoko)Nasu no YoichiLa scène du samouraï archer est fondée sur la célèbre histoire de Nasu no Yoichi dans Le dit de Heike (au début Takahata voulait adapter dans ce récit en anime plutôt que réaliser un film sur les tanuki). A la fin du 12ème siècle, le clan Heike et le clan Genji se battaient pour diriger le Japon. Durant la bataille de Yashima (Ile Ya), Heike fut mis en déroute et s'enfuit de l'île sur des vaisseaux. Une des femmes de Heike attacha alors son éventail sur un mât et l'éleva, défiant les Samouraïs de Genji de le toucher. Mais comme ils étaient déjà trop loin de la côte et que la cible bougeait constamment, les Samouraïs de Genji hésitèrent. Alors, pour préserver l'honneur et la fierté de Genji, un jeune samouraï du nom de Nasu no Yoichi, s'avança. Il parvint à toucher la charnière de l'éventail, le séparant du mât. Tout le monde, aussi bien de Heike que de Genji, acclama le maître archer.
Le vieux tanuki (999 ans) vient de Yashima, et il a vu cette bataille de ses propres yeux. C'est pourquoi les autres tanuki lui demandent de recréer la scène.
Takarabune
A la fin du film, les tanuki vont au Fudaraku (le Paradis), ce qui signifie qu'ils entreprennent un voyage vers le pays des morts. Ce voyage est fondé sur les croyances du Fudaraku, un des cultes bouddhistes anciens. Le culte affirmait l'existence de l'île de Fudaraku sur la mer de l'ouest. En montant sur le vaisseau, on pouvait laisser derrière soi sa douleur et sa souffrance et accéder au Nirvana. Il est déjà arrivé qu'un croyant soit placé vivant dans un cercueil en forme de vaisseau et soit jeté à la mer.
Le vaisseau représenté dans le film est inspiré du Takarabune (Vaisseau au Trésor). C'est un vaisseau sur lequel voyageaient les Sept Dieux Heureux, et qui embarquait de nombreux trésors. Il était supposé porter chance.
Source : Nausicaa.net / Animeland