Kitano, l'irrésistible insatisfait
Il semblait fatigué. Après le génial
« Zatoichi » en 2003, Kitano n'avait signé que
« Takeshis' » en 2005 et
« Glory to the Filmmaker » en 2007. On n'y avait rien compris sauf qu'ils évoquaient la panne d'inspiration dont souffrait l'auteur. Son nouveau film est également l'histoire d'un artiste au point mort. A la différence des deux précédents, il est réussi.
« Achille et la tortue » raconte le triste et misérable destin d'un certain Machisu.
A voir aussi :
« Takeshi Kitano, l'iconoclaste » au Centre Georges-Pompidou à Paris (www.centrepompidou.fr), jusqu'au 26 juin. Kitano rencontrera le public le 11 mars à 20 heures.
Enfant, il montre un don pour la peinture. Mais, une fois adulte, il ne parvient pas à égaler ses premiers travaux. Faute de génie, il se lance dans des expériences ridicules et curieuses, comme peindre sur un vélo ou projeter des couleurs au hasard sur la toile. Burlesque, le film devient touchant : Machisu massacre sa vie familiale, manque de se noyer ou de s'immoler par le feu… sans réussir à devenir un grand artiste. Le peintre est interprété par Kitano lui-même (sous son nom d'acteur de Beat Takeshi). Sa présence transforme
« Achille et la tortue » en un autoportrait terriblement lucide, car, en sortant de ce joli film, on ne peut s'empêcher de songer qu'il n'atteint pas la hauteur de chefs-d'oeuvre passés :
« Sonatine » (1993),
« Hana-bi » (1997) ou
« Dolls » (2002). Pour s'en assurer, on peut se rendre au Centre Georges-Pompidou, qui projette une quarantaine de films de Kitano, aussi bien comme réalisateur que comme acteur (dont sa mémorable prestation dans
« Furyo » de Nagisa Oshima).
Un personnage fascinantLes peintures que l'on peut voir dans
« Achille et la tortue » sont toutes de Kitano lui-même.
Et vu la façon dont il les traite dans le film, il y a quelque ironie à ce que la Fondation Cartier les expose en même temps. Ce parcours intitulé
« Gosse de peintre » permettra de juger la part d'objectivité et la part de masochisme du cinéaste.
L'événement le plus intéressant de ce « printemps Kitano » est un livre d'entretiens avec
Michel Temman, correspondant au Japon de
« Libération ». Plus qu'un cinéaste, Kitano y apparaît comme un fascinant personnage multimédia et multifacette, capable de tourner des films et de peindre, tout en animant huit émissions hebdomadaires à la télévision. Entre deux bouteilles de rouge, il déclare :
« Je n'aime aucun de mes films », « Mes efforts au cinéma sont restés vains », ou encore :
« Les Européens me surestiment. » Enfin, pour évoquer le rapport complexe qu'il entretient avec son double, Beat Takeshi, il se décrit comme une marionnette de lui-même. Intitulé
« Kitano par Kitano », ce livre drôle, cruel et passionnant aurait aussi bien pu s'appeler
« Kitano contre Kitano ». source : http://www.lesechos.fr/info/loisirs/020386283281-kitano-l-irresistible-insatisfait.htm