Le Japon se branche sur le photovoltaïque[ 27/03/08 ]
Le pays du Soleil-Levant, très dépendant des énergies fossiles, investit massivement dans l'énergie solaire et les capteurs photovoltaïques.Selon un récent rapport de l'ambassade de France à Tokyo (1), le Japon possède 30 % des installations solaires mondiales avec un parc installé d'environ 1,7 gigawatt. " En 2030, le Japon produira 10 % de son électricité grâce à l'énergie photovoltaïque. Cela représentera un total de plus de 100 gigawatts ". La prévision peut surprendre, mais elle émane d'un organisme très sérieux : l'agence japonaise pour les nouvelles technologies de l'énergie (Nedo) dépendant du ministère de l'Economie, du Commerce et de l'Industrie nippon (Meti). Les Japonais sont coutumiers de ces programmes technologico-industriels de très longue durée associant des centres de recherche publics et des entreprises privées sous la houlette d'un ministère puissant et bien doté. Ce mode de coopération, ancêtre des partenariats public-privé aujourd'hui très en vogue dans les pays développés, a été lancé par le mythique Miti, prédécesseur du Meti dans les années 1970. L'objectif visé par ces programmes mixtes est clairement économique : développer des filières industrielles jugées stratégiques pour les intérêts du pays ou de ses entreprises.
Rendement des cellulesLe moins qu'on puisse dire, c'est que les Japonais ont de la suite dans les idées. Le premier projet photovoltaïque national date de 1974 (programme Sunshine). Le plan en cours devrait durer jusqu'en 2030. Il vise la production d'électricité photovoltaïque à des coûts compétitifs à ceux du thermique actuel (4,4 centimes d'euro le kilowattheure). Une dizaine d'industriels producteurs de cellules sont concernés, dont quelques géants de l'industrie électronique : Sharp, Kyocera, Sanyo, Mitsubishi, MHI. Le club des producteurs connaît depuis peu un nouveau venu de poids : Honda. En novembre 2007, le constructeur automobile a commencé la production de cellules dans sa filiale spécialisée (Honda Soltec).
Ces programmes s'appuient sur un organisme spécialisé dans les nouvelles technologies dépendant également du ministère de l'Industrie : l'AIST (Advanced Industrial Science and Technology). Cette agence se charge des recherches de base dans un institut spécialisé dans le photovoltaïque (RCPV). Plusieurs universités sont également sur le coup : Osaka, Kyoto, Nagoya. Les Japonais font actuellement partie des leaders mondiaux de cette technique. En 2007, la part du marché mondial des industriels nippons du secteur était de 36 %. Selon un récent rapport de l'ambassade de France à Tokyo (1), le Japon possède 30 % des installations solaires mondiales avec un parc installé d'environ 1,7 gigawatt.
Totalement propreD'ici à 2010, cette production d'électricité totalement propre (compte non tenu de la production des modules) devrait atteindre 3.360 mégawatts sur un total mondial estimé à cette date à 9.980 mégawatts. Mais de très nombreux défis restent à gagner pour atteindre ces objectifs, qui paraissent même irréalistes. Le premier challenge concerne le coût et le rendement des modules photovoltaïques, qui restent l'obstacle majeur à une diffusion massive de cette filière. Trois axes principaux sont visés par les plans nippons. D'abord, trouver des matériaux alternatifs aux trois formes de silicium actuellement utilisées (monocristallin, polycristallin et amorphe). Ensuite réduire les surfaces des capteurs, c'est-à-dire augmenter l'efficacité spécifique de la conversion photovoltaïque. Il faut enfin améliorer la durée de vie des modules, dont le rendement baisse avec le temps (actuellement de l'ordre de la dizaine d'années). Le Japon compte sur l'émulation entre ses industriels pour atteindre ces objectifs (lire tableau). Selon les experts japonais de la Nedo, en 2030 les modules installés dans le pays représenteront une superficie d'environ 1.000 kilomètres carrés.
Barrières technologiquesMalgré une chute des prix considérables - le prix de revient du kilowatt a été divisé par trente entre 1974 et aujourd'hui -, la filière semble confrontée à des barrières technologiques qui limitent les usages à des applications marginales. En gros, le photovoltaïque n'est économi- quement rentable que là où aucune autre source d'énergie n'est disponible (sites isolés). Selon un responsable japonais qui est intervenu récemment dans un salon professionnel consacré au photovoltaïque (2), le secteur bénéficie d'une innovation majeure seulement tous les 12 ans (3). Si cette loi (empirique) se vérifie, il faudra donc attendre 2016 pour espérer voir une nouvelle percée significative. Mais en fait, l'économie du système pourrait être totalement bouleversée par deux paramètres : une envolée astronomique du prix du pétrole ou un train de taxes sur les rejets carbone. Mais pour l'instant, le photovoltaïque reste la plus chère de toutes les énergies renouvelables.
Le plan japonais ne se limite pas au développement de panneaux photovoltaïques plus performants. L'énergie solaire étant par définition diurne, il faut la stocker dans des batteries. Un programme spécifique est dédié à ces équipements. Un projet de développement urbain est également en cours de réalisation. Il vise à adapter l'habitat individuel japonais (beaucoup de petites maisons) à cette source d'énergie.
ALAIN PEREZ(1)« Le photovoltaïque au Japon », disponible sur www.adit.fr
(2)PV expo 2008.
(3)la première calculatrice solaire date de 1980, les premiers panneaux pour usage domestique ont été commercialisés en 1992 et les premiers champs de production électrique ont été mis en service en 2004.
Source : http://www.lesechos.fr/info/metiers/4706134.htm