Shigeyuki Hayashi a 69 ans. Rintaro, son pseudonyme, en a 40. C'est avec lui qu'il s'est fait mondialement connaître en réalisant à la fin des années 1970 la série
Albator, puis qu'il a signé neuf longs métrages, dont le splendide
Metropolis en 2001. Juxtaposition de Rin, deuxième prononciation de l'idéogramme de son nom de famille, et de Taro, le prénom le plus répandu au Japon au XIXe siècle, qui lui fut donné comme surnom par un collègue, ce pseudonyme n'aurait guère d'autre sens, à l'écouter, que celui de "sonner plus animation" :
"Shigeyuki Hayashi faisait trop fonctionnaire." On peut pourtant y lire un hommage secret à l'oeuvre de son mentor, le maître du manga Osamu Tezuka (1928-1989).
Le réalisateur japonais Rintaro. C'est au sein de son studio, Mushi Production, que Shigeyuki Hayashi fait ses débuts de réalisateur en adaptant sous forme de série télévisée deux de ses romans graphiques,
Astro Boy et
Le Roi Léo. Et c'est là qu'il reçut le sobriquet Taro.
Trente-cinq ans plus tard, son film
Metropolis est encore une adaptation de Tezuka, dont il a par ailleurs mis en scène pour la télévision la biographie animée en 1989.
"C'est lui qui m'a permis de faire des films d'animation, explique Rintaro. Mais ma capacité d'animateur était à l'époque limitée. J'avais l'impression de ne pas adapter assez bien son oeuvre. Metropolis était un aboutissement de ce point de vue, et du point de vue de mon cinéma."Marqué par les films néoréalistes italiens et les films noirs français que son père l'emmenait voir à l'adolescence, Rintaro a appris avec eux que le cinéma était une affaire d'ombre et de lumière. De Melville, de Louis Malle, il apprit aussi l'emploi de la musique, du jazz surtout.
Sommets du box-officeDepuis le succès phénoménal de son premier long métrage,
Galaxy Express, en 1979,
"un film (jamais sorti en France) qui a été vu par la plupart des Japonais de 30-40 ans aujourd'hui", Rintaro n'a jamais renoué avec les sommets du box-office. Aujourd'hui encore, il continue de travailler pour la télévision. Mais c'est au cinéma que son art s'épanouit :
"Quand je réalise une série télé, j'imagine toujours l'écran. Comme il est petit, il faut une seule information dans le cadre. Le cinéma en exige plus."Avec chaque film, il explore une forme d'expression nouvelle. Pour Yona, il voulait transposer à la 3D la pauvreté de mouvement de l'anime japonaise traditionnelle, retrouver l'effet produit par le défilement standard de 12 voire 8 images par seconde qui la caractérise (au lieu des 24 habituelles).
"Bien sûr, avec un ordinateur on utilise 24 images. La machine calcule automatiquement le mouvement. Mais le résultat est si souple que ça me met mal à l'aise. Du coup, on a fait du 12 images par seconde volontairement. C'est la technique du "stop animation"" qu'utilise aussi Tim Burton." Avec elle, le cinéaste entendait
"donner l'impression que chaque animateur avait travaillé avec son stylo". Revendiquant une démarche expérimentale il conclut :
"Je rêve de devenir le Picasso de l'animation. Créer quelque chose et le détruire, le créer encore et le détruire à nouveau". Isabelle Regnier
source : http://www.lemonde.fr/cinema/article/2010/02/02/rintaro-se-reve-en-picasso-de-l-animation_1300107_3476.html